
De Horus à Saint Georges terrassant le dragon : une légende aux racines égyptiennes
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Dans cet article on vous explique comment la légende de Saint Georges terrassant le dragon trouve ses origines dans l'Égypte ancienne, et plus particulièrement dans la figure d'Horus.
Saint-Georges : du roi harponneur à l'Horus légionnaire
L’image de Saint Georges à cheval, transperçant le dragon de sa lance, est universelle. De l’Éthiopie à la Russie, cette représentation demeure remarquablement constante.
Elle semble intemporelle, une scène profondément ancrée dans l’imaginaire collectif, un combat entre le bien et le mal qui transcende les cultures et les époques. Et pourtant, derrière cette image familière se cache une histoire inattendue—une histoire qui nous emmène bien loin des chevaliers médiévaux et des saints chrétiens d’Europe, jusqu’aux terres brûlées par le soleil de l’Égypte antique.
Et si la puissante lance de Saint Georges avait d’abord été un harpon ? Et si son terrible dragon n’avait pas hanté les châteaux et les sombres forêts, mais plutôt les profondeurs du Nil, sous la forme d’un monstrueux crocodile ou hippopotame ?
Pour découvrir les origines cachées de cette légende, nous devons remonter des milliers d’années en arrière, à une époque où dieux et rois livraient bataille contre les forces du chaos dans un affrontement bien différent—mais étrangement familier.
La légende classique :
La tradition situe la légende de Saint Georges dans le monde grec, près de la ville de Silène, en Libye. Un monstre ravageait la région, obligeant la population à lui livrer quotidiennement un animal en sacrifice. Lorsque les victimes vinrent à manquer, les jeunes filles et jeunes hommes du royaume furent offerts en tribut, jusqu'à ce que le sort désigne la propre fille du roi. C'est alors que Georges apparut, monté sur son cheval. Il affronta le dragon et le transperça de sa lance. Il conseilla ensuite à la princesse d'attacher sa ceinture autour du cou du monstre, qui la suivit docilement jusqu'à la cité.
La légende de Saint Georges nous est connue notamment grâce à La Légende dorée de Jacques de Voragine (XIIIe siècle), un recueil hagiographique qui a largement contribué à populariser le récit en Europe.
Paolo Uccello. Saint George and the dragon (c. 1470)
Le roi, Horus harponneur du mal
Remontons dans le temps jusqu'à l'Égypte ancienne, plus précisément à la XVIIIe dynastie (vers le milieu du XIVe siècle av. J.-C.). Parmi le mobilier funéraire du jeune pharaon Toutankhamon, on trouve une élégante figurine en bois doré le représentant debout sur un léger panier, jetant un grand harpon.
Ce geste ancestral, réalisé sur les rives du Nil, évoque l'attitude primordiale du souverain dominant le crocodile ou l'hippopotame, animaux assimilés aux forces chaotiques.
Bien plus tard, plus de treize siècles après Toutankhamon, on retrouve ce motif sur les murs du temple ptolémaïque d'Edfou, dédié à Horus. Le dieu solaire, représenté sous forme humaine mais à tête de faucon, est figuré debout sur le pont de sa barque, transperçant d'un long harpon un hippopotame (incarnation de Seth, dieu du chaos) qu'il vient de chaîner au fond des eaux.
La taille réduite de la bête, comparée à celle du dieu, souligne sa puissance et renforce l'idée d'Horus en tant que protecteur et destructeur des nuisances.
L’évolution du mythe et son adaptation romaine
Avec l'expansion de l'Empire romain, cette thématique est reprise et transformée en une image composite, conciliant les traditions des peuples conquis et celles des envahisseurs. Le monstre à terrasser devient un crocodile, et le vainqueur conserve sa forme humaine, ne préservant que sa tête de faucon comme ultime vestige de son identité divine.
Progressivement, une modification iconographique s'opère : pour souligner son pouvoir, Horus ne se tient plus sur le pont d'une barque, mais adopte l'attitude d'un légionnaire romain à cheval — une posture que les Égyptiens n'auraient jamais attribuée à leur divinité.
Une représentation transitoire, préservée au musée du Louvre, illustre ce passage : on y voit un cavalier romain à tête de faucon terrassant un crocodile, personnification du mal.
Dès lors, cette image se diffuse depuis Byzance jusqu'en Russie, puis en Europe occidentale, où le monstre nilotique est progressivement remplacé par un dragon.
Ainsi, à travers les siècles et les civilisations, le geste du héros triomphant du chaos perdure. Du harponneur du Nil à l'archétype du saint chevalier, l'image d'Horus s'est transformée jusqu'à devenir celle de Saint Georges, porteur du même message de victoire sur les forces du mal.